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L’outil cinématographique

« L’autre », identifiable en tant que subjectivité, la perception que l’on a de lui en pensée nous achemine vers une vie ouverte et communicative. Dans le monde visible et organique, les expressions émotionnelles, sensibles révèlent l’existence de « l’autre » à travers les comportements, regards, attitudes gestuelles, modes de figurations inséparables d’un certain milieu social, culturel. Les rythmes de l’existence et les manière d’être au monde peuvent être saisis dans leur pureté et leur authenticité par le « regard caméra » (Godard 1960). La fidélité et l’amour déployés par un réel « stylisé » ont été significativement portés à l’écran par toute une génération de réalisateurs soucieux de « décrire le monde tel qu’il est ». Avec pudeur, un caractère poétique et parfois sans concession, des cinéastes tels que Pier Paolo Pasolini (Accattone, Mama Roma…), Jean Rouch (Moi, un noir…), Chris Marker (Sans soleil, Le joli Mai…) et bien d’autres ont su proposer un cinéma « lucide » profondément ancré dans une réflexion sur les ritualités quotidiennes, les « choses de la vie », les rivalité, défis, joies et difficultés de l’existence captés dans leurs plus pures expressions, à travers des actes « propres », des situations « vécues » posant autrui comme témoin, lumière, perspective sur le monde social dans lequel il est inscrit. Si le cinéma est une reproduction de la réalité, il est également une « description de la réalité par la réalité » ou encore « langage écrit de la réalité ». Avec pudeur, un caractère poétique et parfois sans concession, des cinéastes tels que Pier Paolo Pasolini (Accattone, Mama Roma…), Jean Rouch (Moi, un noir…), Chris Marker (Sans soleil, Le joli Mai…) et bien d’autres ont su proposer un cinéma « lucide » profondément ancré dans une réflexion sur les ritualités quotidiennes, les « choses de la vie », les rivalité, défis, joies et difficultés de l’existence captés dans leurs plus pures expressions, à travers des actes « propres », des situations « vécues » posant autrui comme témoin, lumière, perspective sur le monde social dans lequel il est inscrit. Si le cinéma est une reproduction de la réalité, il est également une « description de la réalité par la réalité » ou encore « langage écrit de la réalité ».
P.B

L’outil cinématographique
UNGRUND

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Hors des limites de l'expérience possible. L'idée de sacré chez Bataille et Pasolini

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Hors des limites de l'expérience possible. L'idée de sacré chez Bataille et Pasolini


Pour une exploration qui tend vers l’horizon de la critique ou de l’interdisciplinarité, voici quelques liens utiles :

Sense of cinema (Australia)

Canyon cinema (United States)

Off screen (Canada)

Braquage (France)


ARCANE Cine-Poesis est un espace de découverte et de réflexion dédié au cinéma « maudit », diversement appelé cinéma de « poésie », « d’éclaireurs » ou « intégral ».
Ce cinéma se situe au confluent de recherches optiques, poétiques, cognitives et techniques.
Qu’elles soient contemporaines ou classiques, les œuvres existantes utilisent la rhétorique visuelle comme « machine de guerre sceptique » pour défier les systèmes totalisants et totalitaires de la pensée qui uniformisent les goûts, les couleurs et les mœurs.

Le but de cet espace est de militer à la compréhension d’un « autre » cinéma.

Bon parcours !

 

Esthétique de la déconstruction
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La rhétorique déconstructiviste élève la forme artistique à sa propre auto-évaluation, rompant avec toute déification de l’œuvre et du sujet-concepteur. Elle s’éveille dans un tournant critique, dans une crise de paradigmes, elle déchire, déplace et fissure le sens et les significations dans lesquelles était enfermée l’œuvre d’art formelle. Elle découpe et fait voler en éclat les morceaux de la figure académique puis les recolle et les re-agence de manière paradoxale. Elle nie tous les dualismes de la pensée objective, fruit de l’imaginaire occidentale et anticipe les mutations, les glissements de sens. La critique déconstructiviste renonce à la position historiciste et structuraliste pour s’interroger sur l’expression muette, sur l’impression pure et sur le savoir ontologique. La monologie et le stéréotype cèdent la place à la polyphonie et à la suggestion du mythe d’un nouveau genre. Les tendances modernistes et uniformisantes sont récusées au profit de l’ambiguïté des signes et de relations non définies. En somme l’esthétique de la déconstruction se veut résolument révolutionnaire, progressiste et post-moderniste, naviguant dans les ruines des édifices académiques.
P.B

Spéculations philosophiques et ébauches littéraires sur l’art de la déconstruction

BENJAMIN W., 1939, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique dans Œuvre III, Paris, Gallimard
BLANCHOT M., 1955, L’espace littéraire, Gallimard
HEIDEGGER M., Etre et Temps, Paris : Authentica, 1985
DERRIDA J., 1972, Marges – de la philosophie, Ed de Minuit
LYOTARD J.F., 1979, La condition post-moderne : rapport sur le savoir, Ed de Minuit
KLOSSOWSKI P., 1947, Sade mon prochain, Paris, Ed du Seuil

Esthétique de la déconstruction
La perspective temporelle dans le cinéma de voyant

Les rapports logiques entre conditions naturelles de la perception, la temporalité et la sensibilité pelliculaire ont été longuement analysés par les théoriciens du cinéma. La « perception du temps » au cinéma réactualise tout d’abord les thèses éloquentes de Bergson dans « matières et mémoire » (1896) ainsi que les spéculations des phénoménologues sur l’expérience sensible (Cf. l’ouvrage « sens et non sens » de Merleau Ponty, 1966). Deleuze analysera par la suite la mécanique temporelle dans l’opération du montage mais ira plus loin en brisant le cadre de représentation organique et naturelle liée à la « perspective temporelle ». Deleuze construit un univers cinématographique ou la temporalité déconnectée d’images reconnues dans leur apparente organicité (schème sensori-moteur) bascule dans une zone d’indiscernabilité entre le réel et l’imaginaire. Il s’agit de la description non organique et cristallographique de « l’image temps ». Cette description ouvre sur un « cinéma de voyants » (par opposition à « un cinéma d’actants ») dans lequel les personnages élaborent des projections mentales proches de l’hallucination. Pour ainsi dire, plus on sort de l’habitude sensori-motrice et de l’automatisation plus on est en mesure d’apprécier « l’élan vital », de nous mouvoir dans un monde qui « va à l’aventure ». Cette prise de conscience d’un temps pur et cristallin renvoie au concept bergsonien « d’évolution créatrice » (création permanente de nouveauté et d’imprévu).
P.B

La perspective temporelle dans le cinéma de voyant
Pierre Clémenti: révolte intérieure et expérience limite

Zanzibar, Le cinéma itinérant.
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Courant cinématographique fortement marqué par le minimalisme, le modèle visuel psychédélique, l’improvisation, le surréalisme, la raillerie, les thèmes mytho-poétiques et l’expérience performative.
Le groupe français Zanzibar est issu d’un projet commun formulé par de jeunes cinéastes, réalisateurs et techniciens à l’aube des années 70. L’ambition première affichait un réel désir de constituer un cinéma en «page blanche» par rapport au passé, s’écrivant et se produisant à partir d’un modèle «propre». Dans ses auto-productions à la fois curieuses, initiatrices et mythiques, Zanzibar défie et se joue des valeurs inquiétantes définies par les pratiques structurantes, conquérantes et répressives fabriquées par la société occidentale moderne. L’époque est propice aux expérimentations, débordements et audaces de toute sorte. Cette idée «moderne» de la révolution même (les évènements de mai 68) favorise la sortie du cadre institutionnel de l’œuvre d’art et de la conformation aux règles fixées par les stratégies utopiques de l’occident capitaliste.
Les artistes et auteurs du groupe ont tracé sur les cahiers des réalisations cinématographiques quelques unes des trajectoires les plus surprenantes et originales, dépourvues de toute logique fixiste et raisonnable. Zanzibar a composée une page blanche des pratiques itinérantes, progressives en vue de changer le «sens» de la réalité. Cette écriture cinématographique sera le résultat d’un travail politique, critique autant qu’esthétique et mystique.
La voix du groupe s’est tout d’abord exprimée durant le festival de jeune Cinéma de Hyéres en 1968. Cet évènement verra la rencontre des membres qui composent l’équipe parmi lesquels:
Alain Jouffroy (le mentor du groupe), Philippe Garrel, Patrick Duval, Daniel Pommereulle, Jacki Raynal, Pierre Clementi…Nombre des artistes convoqués appartiennent à la «nouvelle vague», certains seront nommés de «dandys de mai 68». C’est Serge Bard, étudiant à Nanterre en ethnologie qui ouvre le passage avec un film indiscret et critique dénonçant le système unviersitaire en vigueur. L’étape décisive sera la rencontre avec Sylvina Boissonas qui financera les films, une trentaine entre 1968 et 1970, organisant également une expédition à Zanzibar (ile maoiste d’Afrique de l’Est). Le courant situationniste, les tragédies cocasses du langage forumlées par Duchamp, les thèses de Lacan influencèrent la première tendance de ce cinéma perspectiviste. Les expositions pour galeries d’art réalisées par Marial Raysse et Daniel Pommereulle encourageront l’engouement collectif pour la nouveauté. Les éléments picturaux feront d’ailleurs leur apparition dans des montages filmiques, organisés comme un ensemble cohérent de «tableaux vivants» imprégnés d’une véritable dimension iconique, symbolique et lumineuse.
Les films sont dans leur majorité tournés en 35 mm. Néanmoins le traitement technique accordé reste élaboré et particulièrement travaillé. Les œuvres sont couramment filmées en plans fixes, admettant très peu de figures et composantes, brouillant également le clivage entre champ et hors champ traditionnellement prisé par l’industrie du cinéma classique.
Une part non négligeable est accordée au travail d’improvisation des acteurs. Tous les éléments aléatoires, accidentels ou fruits du hasard sont captés et montrés sur écran. Le scénario reste minimal, profitant à d’importants travaux de compositions centrés sur le geste créatif et les rapports affectifs et énigmatiques entres les protagonistes.
Ces films sont très théatralisés, lents, contemplatifs, quasi muets et bercés dans une lumière parfois religieuse. L’errance, le déplacement, la quête intimiste de la marche animent nombre de films (notamment ceux de Philippe Garrel). Ces films développent une aura dramaturgique portant sur les évènements réels mais également imaginaires de la vie.
P.B

Pierre Clémenti: révolte intérieure et expérience limite
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«La quête du défi » caractérise en quelque sorte toute l’œuvre de Pierre Clémenti dont le talent d’écriture et de composition atteindra une reconnaissance ultime dans la période charnière de la fin des années 1960, ceci au point d’élever l’artiste au rang d’icône de la contre culture française. Outre le fait d’avoir joué pour de nombreux
grands réalisateurs du cinéma d’auteur
dont Luchino Visconti (Le Guépard), Luis
Bunuel (Belle de jour), Pier Paolo Pasolini (Porcherie), Philippe Garrel (La cicatrice intèrieure), Pierre Clémenti a également été derrière la caméra afin de mettre en scène ses obsessions intellectuelles, politiques et poétiques. Les films de Pierre Clémenti témoignent d’une contemplation quasi mystique de la réalité, d’un cinéma d’errance et de déchéance, révélant des exercices «spirituels» et «sensoriels» intenses. C’est par le biais du caractère profondément sacré de la vie pure, par l’intermédiaire de rêves hallucinés que Pierre Clémenti cherche à dévoiler le véritable essence de tout homme. Ses films sont une «expérience de la réalité» dressant des passerelles entre engagements politiques, polémiques et retour sur soi. L’image est communication, intrusion dans le monde et sa réception exige une expérience compréhensive mais également une expérience impossible du dépassement par l’envoûtement. Pierre Clémenti est un poète du désespoir, recherchant à travers les formes de dépassement de soi, la transgressions des codes / conventions établies à atteindre une expérience mystique, seule expérience possible pour libérer la vie que la société a voulu enfermée, étouffé, rendre méconnaissable.

Visa de Censure – 1967

«Rencontre de l’image et des pulsions psychiques caractéristiques de cette époque acidulée». Par le rythme optique et la prolifération infinie des lignes, courbes et formes, Clémenti cherche à faire jaillir
des puissances primordiales, divines…S’épanouit un cinéma dans lequel les symboles alchimiques abondent, nous renvoyant à l’origine de nous même. Dans cette initiation ou rituel / procession
psychédélique à base d’archétypes visuels, le spectateur échappe à ses propres limites.

New Old – 1978

Film narratif, autobiographique, confession intime sur fond d’images hétérogènes participant à une poésie critique, de lumière, mettant en scène les concepts de création, de monde extérieur quotidien et de vie intérieure de l’homme comme «lieu-refuge» au règne le sacré.

Extrait d’un entretien accordé à Pier Paolo Pasolini (ref. «Ecrits sur le cinéma, petits dialogues avec les films», petite bibliothèque des cahiers du cinéma, 42: 10-11)

«Le temps détruit la pureté»

Moi : Tu es terriblement semblable dans la réalité et dans le cinéma. Et en même temps, tu es terriblement différent. Comment l’expliques-tu?
Pierre: Parce que plus je rentre en moi-même, et plus je rencontre des choses que je ne connais pas. C’est pourquoi lorsque je sui devant la caméra, je suis «moi-
mêmeen recherche». Il y a beaucoup de différences, d’autre part, entre réalité et cinéma: car le cinéma est un des nombreux moyens de représentations de la réalité. Avec un film, on peut reconstruire un monde, dans la réalité c’est plus difficile. Cependant, le cinéma est un des instruments qui peut
ramener l’homme à la réalité.
Moi : Pourquoi ? Tu penses que les hommes ne vivent pas dans la réalité?
Pierre: Si, si, mais je pense que la télévision et toutes les autres institutions (disons les mass médias) éloignent l’homme de la réalité
Moi : Franco Citti dit que la réalité est pureté
Pierre: Oui, c’est vrai mais le temps détruit la pureté. Le cinéma exerce beaucoup de fonctions, pour qu’un film exerce une fonction de pureté…pour faire du cinéma pur il faut prendre des personnes pures. Ce que ne fait certainement par le cinéma commercial
Moi : Et que représente alors le cinéma commercial ?
Pierre: C’est un somnifère. Il est fait pour une société occupée à digérer. Il est fait pour les hommes vulgaires qui croient les autres vulgaires.
Moi : Quelle serait, selon toi, la manière idéale de faire du cinéma?
Pierre: Faire un voyage qui aurait pour but ultime la vie et la mort. Par exemple, partir avec une équipe d’hommes qui ont les mêmes besoins, les mêmes aspirations, etc, et parvenir à faire une création assez forte pour dépasser la réalité…
Moi : Partir pour où?
Pierre: Et bien, l’homme fait son voyage seul, cela c’est la réalité. Dieu, la patrie, la famille, etc, c'est- à-dire les habitudes, c’est la faute de cette solitude. Il reste alors deux solutions: ou prendre un fusil et tirer, ou prendre une caméra et faire du cinéma: Ainsi, on va au-delà de la solitude.

ILLUSTRATIONS

Rayn
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Le Lit de la vierge
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Zanzibar, Le cinéma itinérant
Pierre Clémenti: révolte intérieure et expérience limite
Du film "sonore" à la musique "visuelle"
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Le SON de son côté a également fourni l'occasion d'expériences intéressantes dans l´art cinématographique. Cette conception est à l'opposé de celle qui lui assigne le rôle d'un accompagnement sonore. Ces films sont de véritables illustrations de thèmes musicaux. Ils revêtent l'aspect de ballets de formes, évoluant au gré des rythmes et des sentiments qu'ils inspirent. Parmi les plus célèbres se rangent les oeuvres de FISHINGER (Allemagne et U.S.A.) sur des thèmes de Brahms et de Bach celles de LEN LYE (Angleterre) sur des rythmes sud-américains et plus récemment de JORGEN ROOS (Danemark) sur un New Orlean Parade. De plus dans le domaine de la MUSIQUE d'accompagnement, le climat de liberté impliqué par l'esprit expérimental a permis de faire appel à des musiciens bien connus pour leur non-conformisme, tel le très fameux JOHN CAGE (U.S.A.) qui a collaboré entre autre au film de Hans Richter DREAMS THAT MONEY CAN BUY" (1947) et à celui de BURGESS MEREDITH sur Calder. Il faut enfin signaler les recherches de BRUITAGE orientées non plus vers l'imitation de sons existant dans la nature mais vers la création de sons nouveaux ou vers l'emploi non-réaliste de bruits naturels ; également les expériences de son synthétique parmi lesquelles se classent les recherches des frères WITHNEY (U.S.A).

Le mouvement lettriste:
Le lettrisme est un mouvement d'avant-garde né en 1945 lors de l'arrivée en France d'Isidore Isou, qui en 1947 en donne la définition suivante dans le Bilan lettriste : «Art qui accepte la matière des lettres réduites et devenues simplement elles-mêmes (s'ajoutant ou remplaçant totalement les éléments poétiques et musicaux) et qui les dépasse pour mouler dans leur bloc des ouvres cohérentes.» Ni langage, ni poésie, ni musique, le lettrisme se propose de faire une synthèse en héritant de leurs formes, conventions et contraintes en vue de les dépasser. Le lettrisme, ramifié en multiples courants, s'est attaché à toutes les formes de l'art, y compris le cinéma, la danse et la peinture. Malgré les dissentiments qui ont lié les principaux acteurs du mouvement (particulièrement entre Isou et son ex-disciple Debord), cet élan créateur, qui a fleuri pendant trente ans, a permis des ouvres audacieuses comme Hurlements en faveur de Sade de Guy Debord. Gil J.Wolman: Wolman fut membre du mouvement lettriste, inventeur de la mégapneumie ou poésie du souffle, réalisateur d'un film sans images projeté sur un ballon à sonde, théoricien de la littérature, créateur d'une ouvre plastique: métagraphie,collage, etc.
Film: L'Anticoncept (1952)
Maurice Lemaitre:Poète, romancier et journaliste, il rejoint le groupe lettriste en 1950. Depuis cette date, il ne cesse de créer et d'agir dans les divers domaines où s'exerce l'activité du mouvement, depuis la poésie jusqu'au théâtre, en passant par la peinture, la photographie, le cinéma et la danse.
Film "Le film est déjà commencé?" (1951). Deux manifestes lettrismes portés sur l´écran, abstraction filmique, narration et "sons bruits" autre représentant majeur: Guy Debord, plus connu comme écrivain, théoricien et fondateur de l'internationale situationniste, est aussi un artiste et un cinéaste. Ses films sont une application et une continuité de ses théories. Le cinéma, tout comme l'art, fait partie d'un ensemble plus vaste : le mouvement situationniste.

Le mouvement Métrique:
Cinéma métrique qui préfigure le cinéma structurel de la fin des années 60. Comprend des photogrammes, suite clignotante de fragments de gestes apparentés et de mouvements syncopés, travaillant sur "l´image mouvement" et la grammaire du film. Principal représentant: Peter Kubelka: artiste viennois. Inventeur du Cinéma Métrique à la fin des années 50, co-fondateur d'Anthology Film Archives et du Cinéma Invisible à New York en 1970, Peter Kubelka enseigne le cinéma et la musique comme formes d'art à la Staedelschule de Francfort.
Film: Adebar (1957)

La "musique visuelle" des frères Withney
James Whitney
Affirmer que l'image et le son forment une unité permanente dans le cas du film semble un lieu commun. Beaucoup parleront du "son synthetique" des frères Withney. Ces derniers experimentent la technique de l'enregistrement, celle du son dessiné, gravé à même la pellicule. Ce système tire de ses imperfections sa principale originalité. Comme le souligne le musicologue André Souris dans une étude consacrée à cette question, ce sont les frères Whitney qui posent, dans la voie ouverte par le son synthétique, les premiers jalons vers l'avènement d'un langage sonore authentiquement cinématographique, vers "le son de l'image" appelé à remplacer le son "plaqué sur l'image" comme on en use actuellement et également "le son par l'image" obtenu par le dessin.
Film: Film exercices (1943-45)

Du film "sonore" à la musique "visuelle"
Sur Pasolini

A travers une succession de cris poétiques lancés sans relâche contre un ordre artificiel et totalisant (le néo capitalisme de la société de consommation) qui pousse à la réduction, voire à la disparition et au néant la variété d’univers culturels « pleins », Pasolini a entrepris une écriture cinématographique sur la dramaturgie humaine. Par ailleurs et comme nous l’avons précédemment exposé, la force et l’originalité de cette écriture réside dans la prise de conscience et l’évocation d’une vision, d’une lumière, d’une lueur mystérieuse et « fugitive » qui vient percer par intermittence le ténébreux brouillard dans lequel les hommes sont plongés. Les élans, mouvements furtifs teintés d’espoir et de vitalité dans un monde en grande partie condamné par « l’homologation » et « l’uniformisation » renvoient aux franges, aux périphéries dans lesquels se tissent des « multitudes » en formation (en témoignent les résistances du Tiers monde et les révolutions populaires). Chez Pasolini, l’entremêlement, les connexions démultipliées entre les corps « hétérogènes » de type individuel, subjectif, social s’inscrivent dans une procession quasi mystique et dans un projet d’allure « prophétique ». Dans le cinéma pasolinien, le procédé stylistique qui permet de faire rencontrer et raisonner entre elles ces expériences multiformes se glisse sous les traits d’une « vision indirecte libre ». Ce « regard caméra » volontairement immersif, tourné vers l’intérieur et vers la subjectivité des êtres peut se rapprocher de l’épreuve réflexive associée à un certain regard anthropologique qui reconnaît l’expérience de l’autre dans l’évènement.
L’étrangeté métaphysique ainsi que les énigmatiques paraboles qui parsèment les films de Pasolini s’emparent d’une réalité anthropologique. Cette réalité anthropologique renvoie à un amour originel pour le « corps gnostique », à une compassion pour les « corps errants d’exilés », à une dénonciation des corps «disciplinés » « quadrillés », « consommés » et « consumés » par le bio pouvoir. Le cinéma comme « langage de la réalité » est un langage symbolique de la foi, non pas transcendante et abstraite, mais curieusement anthropologique, matérielle et sensorielle.
P.B

Sur Pasolini
L’underground américain

La communauté filmique viennoise et l’avant-garde
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Rassemblant au sein d’un même projet de recherche esthétique des artistes viennois, «l’Austria filmakers cooperative» s’est illustrée dans les années 1950-60. Le mouvement s’engage sur la voie d’un cinéma «désenchaîné» de sa rhétorique et de sa technicité habituelle, amenant le trouble dans la réception des images chez le spectateur, modifiant sa manière d’appréhender le monde et la réalité. Véritablement autonome, dissonant et dérangeant l’opinion courante, le cinéma viennois fait vibrer l’image, la met hors d’elle-même, la transfigure, la retraite à la lumière du montage, la dénaturalise, la retravaille par l’affrontement, laissant entrevoir ce qu’il y a d’intolérable ou de pure en elle. La dislocation de l’expression figurative, la mise en abîme et la fragmentation de l’image sont les moyens de faire du corps-matière-objet-sensation une zone indiscernable et performative. Ce type de cinéma est un cinéma physique, cherchant à faire sortir de leur réserve de nouveaux rapports au corps à travers une succession de «coupures irrationnelles». Dans la plupart des films réalisés, le scénario est quasiment inexistant, le processus narratif est éclaté (recherchant la participation créatif du spectateur / percevant : dysnarration), le temps est discontinu, l’image visible est dissoute, altérée…les expérimentations formelles cherchent à franchir le seuil qui oppose d’ordinaire l’objectif du subjectif, le physique du mental, l’actuel du virtuel. Dans ce cinéma avant tout de «recréation» (par la force du montage), l’expression esthétique / rythmique pure se lie avec un dispositif technique procédant par violence, surimpression, destruction, performation de l’image. De la tonalité, de l’harmonie du montage du cinéma classique nous passons à un montage atonal, sériel, anormal proposant une ouverture infinie, une pluralité de significations sur les images et sur leur place / défilement dans l’espace-temps.

Le cinéma viennois fut révélé dans les années cinquante par toute une tradition de réalisations travaillant le rapport entre l’image, le regard et les convulsions organiques, pulsionnelles:
- L’image reflet de la réalité ou l’ordre des simulacres (Kubelka, Kren, Adrian)
- Structure narrative fêlée (Kubelka, Radax)
- Dépassement de la valeur documentaire et réel métamorphosé (Kren, Schmidt Jr)

Les performances transgressives et extravagantes viennoises se poursuivent dans les années soixantes avec des œuvres aux perspectives frontales, sans concession, dans l’esprit de rébellion politique et sociétale qui animait le monde étudiant de l’époque: Valie Export, Peter Weibel, Hans Scheugl…
Inspirés et imprégnés par le «found footage», le recyclage, la reprise et le détournement, des artistes tels que Peter Tscherkassky et Martin Arnoldreprennent le flambeau de toutes les audaces, bouleversant les cadres de représentations cinématographiques, se livrant à un travail de «déconstruction» systématique à l’égard du cinéma classique de Hollywood perçu comme système répressif à l’égard de la sensualité et vidant les images de leur force plastique, matérielle et spirituelle.

Nombre de ces artistes indépendants oeuvrent dans un contexte interdisciplinaire d’écriture mêlant performances, installations, sculptures, peintures sur corps et travail de la vidéo.

Quelques films représentatifs:

La pluie (1957-1983) – Marc Adrian [film structurel exprimant une protestation contre la réalité objective]

Passage à l’acte (1993) – Martin Arnold [travail de montage rythmique sur des scènes de la vie familiale]

Le mystère du meurtre (1992) – Dietmar Brehm [travail de montage et manipulations filmiques à partir de matériaux issus de bandes pornographiques et fantastiques]

Valie Export (1977) – Valie Export [montage pulsionnel pour une interrogation sur les dysfonctionnements de la vie intérieure]

L’homme qui regardait par la fenêtre, déchets, etc (1962) – Kurt Kren [films actionnistes, proche du happening, utilisation du corps humain comme sujet d’expérience]

Adebard (1952) –Peter Kubelka [travail formel sur la construction de l’image et sur les matériaux de base servant au film de montage]

Stop Soleil (1959-1962) – Ferry Radax [Approche surréelle à partir d’un scénario réaliste contant l’arrivée d’un homme dans une ville isolée]


L’underground américain
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Le cinéma underground américain se forme au contact des recherches plastiques des cinéastes structurels ou expérimentaux qui ont exploré de nouvelles manières de concevoir le tournage, le montage et la projection, ceci dans le but de transformer les capacités de réception et de discernement chez le spectateur.
Dès les années 1940, l’américaine Maya Deren avait chercher à multiplier les effets d’optiques et à bouleverser les forme narratives afin de nous faire rentrer dans le rêve, l’ivresse et la danse rituelle. Celle-ci fut notamment imprégnée par la rythmique, la poétique musicale et chorégraphique des ballets et pièces japonaises.
La poésie de «l’extase», la logique de la rupture et le déploiement de nouveaux modèles de connaissance, de nouveaux modes de pensée sur l’image seront systématiquement présents dans des œuvres filmiques ambitieuses de type figurative ou abstraite réalisées par Stan Brakhage, Jack Smith, Ken Jacobs, Paul Sharits, Kenneth Anger…L’underground américain a vécu une période phare dans les années 1960, notamment sensible à la philosophie «utopiste» et à l’inspiration «euphorisante», cherchant à réinventer le développement culturel et artistique à l’abri de tout conditionnement du réel et de l’instrumentalisation du langage.

Quelques noms évocateurs:

Gregory Markopoulos
Figure emblématique dont l’œuvre a longtemps et reste encore mal diffusée, G. Markopoulos cherche par l’inventivité esthétique à interpréter les images comme autant de signes présents à l’intérieur d’un système symbolique. Markopoulos pense et pratique un cinéma de poésie aux antipodes des grandes fictions à succès. Son cinéma est avant tout privé, intime, fantasmatique, une aventure poétique et optique évoquant une lutte intérieure, un mouvement et prise dans une tension permanente entre la réalité extérieure et monde tel que nous le percevons. Les personnages des films de Markopoulos sont souvent des «déviants», des «clandestins» confrontés à la solitude et à la recherche de sens. Dans Du sang, de la volupté et de la mort (1947-1948), Markopoulos court circuite les formes narratives, la linéarité du récit pour s’arrêter sur les micro détails et travailler les analogies (entre mythe, caractère psychique et témoignage intérieure). Désir, interdit, mémoire et homosexualité sont des thèmes récurrents sans cesse traités sous l’ordre de la symbolique des objets.

Ken Jacobs
L’outil principal du réalisateur Ken Jacobs est celui du détournement (ou recyclage), s’appuyant sur une force libre et critique du montage. L’objectif affiché est de sortir de l’immédiateté des images gravées à même la pellicule et de s’extirper des fausses certitudes en privilégiant une synthèse «ouverte» et engagé sur les voies du documentaire, de l’investigation psychique et de la réflexion sur l’évènement et l’image absente. Dans Star Spangled to Death (2004), l’argument est à la fois poétique et critique, proposant un décryptage saisissant sur les évènements historiques. Dans Tom Tom, the Piper’s son (1969) la critique par le montage (croisant séquences personnelles et anonymes) sur les «marges», la vie dans les «confins» pulvérise les évidences premières et stéréotypes creux.

Stan Brakhage
Incontestablement l’un des artistes qui a le plus fait pour la reconnaissance du cinéma d’avant-garde américain. Sensiblement hétéroclite son travail est avant tout célébré pour avoir donné naissance au found footage (exercices formelles et thématiques recourant au démontage, à l’assemblage et à la superposition de matériaux filmiques dans le but de susciter des effets alchimiques, de l’illumination et des glissements de sens par emboîtement de séquences non synchrones). Dog Star Man (1961-1964) et Anticipation of night (1962) sont des essais organiques, mythographiques et pulsionnels, comme des «chants des origines» explorant les zones de la perception et de l’imaginaire.

ILLUSTRATIONS

Invocation
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La communauté filmique viennoise et l’avant-garde
L’underground américain
La matière des rêves

Le goût des métamorphoses. « Hylogénie picturale » ou la redécouverte de l’expression comme expérience primordiale
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“Clos ton œil physique afin de voir ton tableau avec l’œil de l’esprit” (C.D Friedrich)

“La beauté est le divin dans la nature” (Kosegarten)


Nelly Chichlakova

© Nelly Chichlakova

Loin des univers glacés par les conformismes esthétiques ou enserrés par l’orthodoxie d’un style, l’habillage hylogénétique fait séjourner la peinture et le dessin dans cette zone de progression germinative qui puise dans les racines de l’existence et nous projette dans le vaste corridor des métamorphoses obscures, sublimes et lumineuses. Au gré des périodes, des détours, des voyages, des perfectionnements, le style, la technique et les jeux des coïncidences thématiques se redessinent, toujours déterritorialisés. L’acte esthétique ne se situe pas. Il est décentré et évince les contraintes formelles. Il bifurque et se déplace sur un trajet erratique fait d’entrelacs, d’émancipations et de variations. La peinture se réclame « art libre », capable de réveiller une nature assoupie. Par son aspect magico-symbolique elle réinstalle l’observateur dans l’espace de sa propre intimité. La peinture prolonge la vie autant qu’elle la libère ou qu’elle en accompagne le destin (fatum). Elle montre les chemins d’une contemplation pure de l’existence, interrogeant la part d’absence, ce qui ne paraît pas ou ce qui relève du domaine de l’invisible. En termes de forces énergétiques, elle procède par plissements le long de flux continues et de lignes rhyzomatiques. Elle ouvre sur une illimitation de « mondes possibles », sur un afflux incessant d’affects et de percepts pris dans les couloirs d’un labyrinthe qui est celui de l’imagination créatrice. La série de toiles que j’appellerai « variations frémissantes sur l’abîme azuré » présente à l’observateur encore extérieur que je suis un monde particulier de prophéties évinçant le temps pour entrevoir l’éternité et les mystères antiques capable de réconcilier les oppositions de vie et de mort, de concevoir tout un agencement de formes, de signes et de symboles fourmillant dans un tumultueux cosmos chaotique. Les toiles nous plongent dans l’abyssus des premiers temps d’où s’enchaînent les faits mythiques de la création et les histoires merveilleuses des origines dans lesquels les animaux interfèrent avec la vie des hommes. Dans cette série de toiles, la consistance stylistique laisse apparaître une coexistence fabuleuse entre la nature magique et les forces primordiales qui gouvernent l’univers. Le phénomène nocturne est central de part le choix de teintes brumeuses, ternes et enveloppantes, de part la transposition dans le beau de paysages souterrains, peuplés par des êtres fabuleux, hybrides et frontières sortis d’un magma démoniaque plein de charmes. Quelques lueurs, éclats de lumières pénètrent ces régions nocturnes, cette nuit subterrestre. Ils laissant s’exprimer le « biréalisme » de l’univers et de l’âme humaine. Fonction onirique et imaginaire nocturne cohabitent et se polarisent autour d’une figure centrale représentée par l’image universelle de l’axis mundi, de l’arbre générateur ou théophanique. Aux côtés de ces toiles imposantes qui se communiquent à nous du fond de l’abîme chtonien immémorial se détache toute une série de dessins intentionnellement rattachés au coincidentia oppositorum, au règne de la fantaisie vaporeuse, de l’immatériel en lévitation, d’un maelström plein de lumières, de figures rayonnantes et éclatantes s’exprimant sur le plan de la joie aquatique, terrestre, ouranienne. Nous quittons le niveau mystique et caverneux pour entrer dans le monde féerique et lumineux de l’imagination aquatique et aérienne. Cette explosion de couleurs, de lumières et de vibrants symboles rend à l’imagination sa qualité « projetante », « légère » et « aérienne ».

Remplis de couleurs incandescentes, de motifs archétypaux et de frémissantes figures hybrides, la contemplation de ces toiles me permet de saisir l’au delà du néant, de diriger l’œil vers l’absolu, de saisir le fil invisible de l’existence et de participer à un recueillement instantané sur la matière, sur l’harmonie merveilleuse de la vie organique et céleste.

Le goût des métamorphoses. « Hylogénie picturale » ou la redécouverte de l’expression comme expérience primordiale

La matière des rêves

Mais qu’y a-t-il dans les rêves de si réel, de si proche, de si émouvant ? Riche matière. Des mouvements, des contacts, des heurts, du froid et du chaud, le coeur qui bat, des soupirs, notre voix qui parle à notre oreille, tout l’émoi, toute la peur, toute la colère, tout le désir, tout cela bien réel et bien proche en effet. Sans doute aussi ces formes changeantes qui se montrent dans le champ visuel noir ; sans compter qu’une lumière vive peut se faire sentir à travers les paupières. Ce pâle univers soutient nos discours, mais, peut-être, n’y ressemble guère. Le solide de l’imagination, c’est ce discours à soi, qui ne s’arrête guère, cette mimique, ces actions contenues, si bien senties, ce mouvement du sang, ce souffle qui chante et murmure aux oreilles, toutes impressions de soi sur soi, qui, dans le sommeil, l’emportent aisément sur les faibles actions venues des choses. Et, parce que nos mouvements les changent, notre discours et nos émotions règlent seuls nos pensées. Si je rêve que je ferme les poings et que je serre les dents, il est vraisemblable que je mime ces actions, qui ainsi sont bien réellement senties. J’évoque de la même manière mon ennemi, par la peur, par la colère, enfin par les effets sur moi ; mais il ne paraît toujours pas. Je n’ai point ce pouvoir de produire des couleurs devant mes yeux, par mes seuls organes, comme j’ai le pouvoir de parler et de chanter à mes propres oreilles, ou de serrer ma propre main. Les jeux de lumière dans l’oeil fermé dépendent d’autres causes ; ainsi le décor est naturellement sans rapport avec la pièce. D’où peut-être cet absurde des rêves, qui est bien au-dessous du déraisonnable.

(Alain, La matière des rêves, 1923)

Le goût des métamorphoses. « Hylogénie picturale » ou la redécouverte de l’expression comme expérience primordiale
La matière des rêves

Stefan Schabenbeck
Gregory Markopoulos ou la « petite mystique des ailes »

Les métamorphoses d’Ovide


Lébynthe et Calydné, monts chéris de l’abeille,
A droite de leur vol avaient vue la merveille ;
A gauche ils ont laissé le temple de Samos,
Délos et son oracle, et le rock de Paros.
Le jeune ambitieux, follement intrépide,
Pour s’élever au ciel, abandonne son guide.
Trop voisin du soleil, un océan de feux
De la cire amollit les liens onctueux.
Déjà la plume échappe à ses ailes fondues ;
Il appelle son père, et tombe au fond des mers
Fameuses par son nom, sa chute et ses revers.
Son père infortuné, qui déjà n’est plus père,
Dédale cherche au loin le jeune téméraire,
Icare, où te trouver ? Il appelle à grands cris
Icare, et sur les eaux voit flotter ses débris.
Il maudit de son art l’invention funeste ;
De son malheureux fils il recueille le reste,
Lui dresse dans une île un tombeau de gazon ;
Et cette île depuis a conservé son nom.
(Extrait : Les métamorphoses d’Ovide, Livre VIII)


Stefan Schabenbeck et le cinéma d’animation polonais
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Si nous la comparons à celle d’un Piotr Kemler ou encore d’un Jan Lenica, l’œuvre de Stefan Schabenbeck a connu un destin difficile, séjournant en dehors du cercle de la reconnaissance et de l’adulation religieuse du public. Stefan Schabenbeck figure dans cette totalité de réalisateurs polonais dont la douceur et la magie des films provoquent en nous un sentiment pur semblable à l’extase. Trop longtemps absents, cachés et écartés des salles, ces films refont timidement leur apparition (rétrospective « Centre Georges Pompidou »). En les découvrant (pour la première fois) nous sommes pris d’un vertige nostalgique pour une époque ou l’art demeurait encore une voie profonde et secrète pour pénétrer l’âme de l’être et pour élever la vie au rang de rêve. Par l’intensité des images et l’ampleur d’un style totalement original et créatif, le cinéma graphique polonais cherche à pénétrer organiquement les contrées inexplorées de l’âme humaine dans lesquelles jaillissent l’inquiétude, le tremblement de l’individualité. Les films qui ont le mieux su transcrire les résonances poétique de « notre chute dans le temps » (prise de conscience de notre fragilité) sont les splendides Schody (1961) de Stefan Schabenbeck, Lagodna (1985) / Sciany (1987) de Piotr Dumala ainsi qu’une majeure partie des films de Jerzy Kucia. Indépendamment des capacités poétiques et introspectives dirigées vers les profondeurs de l’être, certains réalisateurs (Ryszard Czekala...) sont animés d’une révolte et d’une anxiété à l’égard d’une politique fourbe et de puissances autarciques qui se complaisent dans un bain de folie, remuant les chaînes de la tyrannie et rabaissant l’homme à l’état d’automate, de « faux vivant ». De tels films n’attaquent pas de front ces tourments mais tentent de surmonter par l’ironie mordante et le sarcasme les aspects néfastes de l’écrasante armature du pouvoir. Néanmoins, loin de s’enfermer dans l’illusion sceptique et la dénonciation acerbe, ces films aboutissent à l’idée d’une possible régénération, d’une « reliance » avec le monde. En recourant aussi bien aux techniques du collage que de l’art graphique, le réalisateur Walerian Borowczyk associe ses réalisations à des références philosophiques plus flous mais mettant toujours en évidence un goût prononcé pour l’ironie poétique : le coït sexuel comme acte libérateur et créatif au-delà de toute signification (Escargot de Venus, 1975…) / les lubies et les ambitions entêtantes de l’homme (Dom, 1958 ; les astronautes, 1959…) / les stéréotypes ou l’illusion des apparences qui germent dans le microcosme de la vie quotidienne (Le théâtre de Mr et Mme Kabal, 1967). Le cinéma d’animation polonais nous propose une pédagogie implicite sur l’image visible saisie comme lumière d’une invisibilité toujours équivoque (l’opacité intérieure de l’homme, les aspirations du coeur). Ces visions cheminent dans un système de signes matériels et de symboles annonciateurs déversant dans un « art iconographique » (Panofsky, 1947) étincelant.

Filmographie sélective :
Jan Lenica -Le labirynthe (1962)
Jan Lenica et Walerian Borowczyk – Dom (1958)
Walerian Borowczyk - Le théâtre de monsieur et de madame Kabal (1967)
Piotr Kamler - Cœur de secours (1973)
Piotr Kamler - Une mission éphémère (1993)
Ryszard Czekala - Appel (1970)
Jerzy Kucia - Powrot (1972)
Stefan Schabenbeck - Schody (1968)
Piotr Dumala - Lagodna (1985)
Piotr Dumala - Sciany (1987)
Piotr Dumala - Franz Kafka (1991)


Gregory Markopoulos ou la « petite mystique des ailes »
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Situé dans quelque nébuleux lointain, je fais ce que je fais pour que l’équilibre universel, dont je fais partie, ne perde pas l’équilibre.
(Antonio Porchia dans « Voix », 1943)

Comme le souligne Adams Sitney trois caractéristiques entremêlées définissent le style de Markopoulos : la couleur, le rythme et la construction atemporelle. La couleur, plus que l’histoire, est un véhicule émotionnel de ses films. Au fur et à mesure de son art, la distinction entre l’imaginaire et le réel disparaît complètement alors que plusieurs « fils étincelants » de continuité font leur apparition simultanée, s’entrelaçant parfois comme des mailles très fines d’un filet.
Gregory Markopoulos appartient à cette époque de goût du cinéma expérimental américain (Jonas Mekas, James Broughton, Stan Brakhage…) qui succède à une période de génie (sous l’impulsion visionnaire et créatrice de Maya Deren). Réalisateur longtemps méconnu, son œuvre de talent dont la force et l’originalité brille d’une sensualité mytho-poétique mériterai une meilleure estime. Ses réalisations sont de type narratif, figuratif et naturaliste. Les lieux ou se déroulent l’action semblent situés hors du temps et traversés par des personnages héroïques malgré eux, jetés dans le monde et avançant vers de nouvelles et de plus hautes lumières. Des films tels que « du sang, de la volupté et de la mort » (1947-48), Swain (1950) et Twice a Man (1961) représentent de véritables odes métaphysiques attachées à révéler (à travers l’abondance de symboles iconographiques et une rhétorique métaphorique) les vérités primordiales, expressions de l’âme humaine, de ses besoins, de ses craintes et de ses sensations domptées par le refoulement. Un cinéma pur, vivant et voyageur qui nous emporte sur les ailes de l’idéalisme icarien.
Markopoulos décrit Lysis comme « une étude poétique d’une âme perdue, errante et homosexuelle. La scène d’ouverture contient : la naissance symbolique ; les errances ; les réincarnations d’une âme dans une autre, plus élevée ; jusqu’au cycle final, où l’âme de l’immortalité, de la connaissance est donné à l’homme errant ; nous le voyons se rapprocher de la ville lointaine ».
« Swain est une évocation en images douces et symboles visuels d’un rejet subconscient de l’image stéréotype de l’homme véhiculé par la société et par les femmes. Ce rejet prend la forme d’une fuite : fuite en imagination de ce qui est perçu visuellement comme sexualité brute et répugnante envers la pureté de l’activité créatrice, de la nature et de la personnalité de l’individu reste inviolée ».
« Twice a Man s’inspire vaguement du mythe d’Hippolyte. Dans la pièce d’Euripide, sa belle-mère, Phèdre, tente de le séduire. Insensible à ses avances, il périt noyé, victime de la jalousie paternelle fomentée par Phèdre. Au début de l’étude monumentale de Frazer, The Golden Bough (Le rameau d’Or), on trouve une légende qui dit qu’avec l’aide de la déesse Artémis et du médecin Asclépios, il fut ressuscité et vécu éternellement dans le bosquet sacré de Nemi. Dans le film, Paul, Hyppolite contemporain, s’arrête à la maison de sa mère après avoir traversé le port de New York pour se rendre à Staten Island. Comme il erre dans la maison, mélangeant les souvenirs et les prophéties, il imagine des scènes de sa vie avec sa mère et avec un manat, appelé dans le film Le Médecin Artiste, représentations de l’ego créatif. »

Filmographie sélective : Du sang, de la volupté et de la mort (1947-48) / The Dead Ones (1949) / Swain (1950) / Twice a Man (1963) / Eros o Basileus (1967) / The Illiac Passion (1964-67) / Gammalion (1968) / Sorrows (1969) / Alph (1970) / Heracles (1973)

ILLUSTRATIONS


Chronopolis
01 / 02 / 03 / 04 / 05 / 06


Les métamorphoses d’Ovide
Stefan Schabenbeck
Gregory Markopoulos ou la « petite mystique des ailes »

La nouvelle vague tchécoslovaque : désillusion idéologique et réalisme magnifié

PIER PAOLO PASOLINI : Filmographie sélective et commentée
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Le cinéma de fiction dans les années 1960

[1]. «Une vie violente»: le «cinéma de rue» au cœur du sous prolétariat urbain
[2]. «Aliénation et transcendance»: le cinéma épique et allégorique en réaction au conformisme moderne et à l’establishment

Vers une nouvelle esthétique du cinéma documentaire

[3]. « La cause des peuples » : notes filmées, / docu-fictions sur la conscience populaire, sur la guerre et le tiers monde

[1]. Accatone / 1961
Scénario : Pier Paolo Pasolini
Collaboration : Sergio Citti
Interprètes : Franco Citti, Mario Cipriani...
Producteur : Alfredo Bini pour Cino Del Duca
Durée : 115 min

Drame social inspiré du « néoréalisme » (lieu, choix des personnages, état d’esprit) dans lequel Accatone (mendiant), héros du film se heurte aux normes sociales, condamné à naviguer dans une vie d’errance et de survie dans les « borgates » (quartiers précaires périurbains de Rome). Son rejet du travail et sa conception de la dignité humaine le traîneront à une mort tragique. Avec une expression artistique directe et concrète, Pasolini analyse l’expérience de lutte sans trêve, ni relâche des sous prolétaires urbains, privés de leur histoire et étrangers dans leur propre société.

Mamma Roma / 1962
Scénario : Pier Paolo Pasolini
Collaboration : Sergio Citti
Interprètes : Anna Magnani, Ettore Garofalo, Franco Citti... Producteur : Alfredo Bini pour Arco Film Cineriz

Durée : 110 min
Le cadre est une nouvelle fois celui de la banlieue de Rome avec ses caractères humains et ses expériences douloureuses. Une prostituée romaine (surnommée Mamma Roma) récupère son fils adolescent après l’avoir confié à sa famille, elle cherche à lui inculquer les principes et règles de la bonne société, celle de l’establishment et de la petite bourgeoisie. Alors que la mère pensait sortir de ses conditions d’existence et accéder à l’ascenseur social, l’enfant taciturne et influençable tombe dans la délinquance et l’oisiveté, brisant les espoirs d’avenir de sa mère. Un long processus de décomposition enveloppe le film, s’achevant sur le supplice du fils, décédant dans un service psychiatrique, ligoté à son lit.
Une photographie noire et blanche parcourant des faubourgs noircis par les tremblements de l’existence et le vide des lieux (une architecture de ruines et d’espaces abandonnés). Pasolini réinvente le « néoréalisme » en lui assignant une dimension métaphysique, quasi liturgique ; en témoigne la dernière scène du film qui s’ouvre sur une allégorie, celle du destin sacrifié et de la rédemption.

[2]. L’évangile selon saint Matthieu (Il Vangelo secondo Matteo) / 1964
Scénario : Pier Paolo Pasolini
Interprètes : Enrico Irazoqui, Susanna Pasolini, Enzo Siciliano...
Producteur : Alfredo Bini pour Arco Film
Durée : 140 min

Pasolini se réapproprie le texte évangélique en le sortant de son carcan puritain. L’ingérence dans la forme lui permet de mettre en scène un christ à visage humain, mortel, authentiquement ancré dans les préoccupations terrestres. L’importance des décors naturels (en Palestine et dans la région italienne du Mezzogiorno) et l’expressivité des visages des acteurs et figurants non professionnels lui permettent de donner plus de force au propos. Y sont dévoilés l’expression et le message d’une transcendance pure en rejetant tout extravagance dans la mise en scène. Un christ véritablement incarné et un brin agitateur permet de révéler le sens social de la parole évangélique.

Théorème (Teorema) / 1967
Scénario : Pier Paolo Pasolini
Interprètes : Silvana Mangano, Terence Stamp, Anne Wiazmski...
Production Franco Rossellini pour Aetos Film
Durée : 98 min

Film « parabole » contant l’arrivée et l’intrusion d’un jeune homme énigmatique dans une famille bourgeoise milanaise recluse dans un conformisme hypocrite. Après une succession de scènes «d’attraction-fascination» sur chaque membre de la famille, le départ de l’hôte provoquera d’importants bouleversements et prises de conscience chez les personnages ; à l’image du père qui finit par renier une vie rationnelle, inexpressive et exclusivement destinées aux affaires pour se lancer dans une quête d’absolue, le conduisant à l’errance et au désert. La pulsion sacrée, la révélation, transhumance des corps sont des thèmes centraux dans ce film initiatique et insolite.

Porcherie (Porcile) / 1969
Scénario : Pier Paolo Pasolini
Interprètes : Jean Pierre Léaud, Ugo Tognazzi, Alberto Lionello
Production CAPAC Filmedis (Paris) / film Dell’ Orso INDIEF (Rome)
Durée: 97 min
Conte “grotesque”, hermétique, à tonalité « allégorique ». Deux expériences de « martyr » y sont décrites dans des contextes de bestialité « moderne » et « archaïque ». Le premier récit met en scène dans un paysage volcanique, de désolation une bande de jeunes soldats siciliens (XVe siècle) recourant au cannibalisme comme mode de subsistance. Capturés et soumis à la sentence du tribunal religieux ils périront dévorés par les chiens sauvages. Le versant moderne de la barbarie nous plonge dans l’univers familial et d’affaire d’un riche industriel. Le fils assouvit son amour pour les porcs dans la porcherie de la famille. Il y finira dévoré par les animaux. Dans les deux récits, l’anthropophagie y est décrit comme symbole de « sainteté » monstrueuse, d’amour désespéré dans un contexte d’aliénation morale, économique, politique sans précédent.

[3] La rage (La Rabbia) 1963
Scénario : Pier Paolo Pasolini
Durée : 50 min

Film de commande (sur le Mondo libro) proposant un travail de montage sur des images d’archives relatant les évènements géopolitiques associés à la guerre froide, aux transformations de la société soviétique... Soigneusement sélectionnées, les séquences qui n’ont à la base qu’un intérêt évènementiel vont connaître une nouvelle vie, extirpées du cadre de propagande et du journalisme. Ce « détachement » permettra à l’auteur d’effectuer des montages commentés, critiques sous l’impulsion d’une écriture poétique.

Enquête sur la sexualité (Comizi d’amore) / 1964
Direction : Pier Paolo Pasolini
Avec : Alberto Moravia, Cesare Musatti, Giuseppe Ungaretti
Producteur : Alfredo Bini pour Arco Film
Durée : 90 min

Pasolini s’improvise dans le «cinéma direct» et documentaire en recueillant à la volée les confidences, opinions, impressions des italiens de toute classe sociale et de tout milieu (Italie rurale, urbaine, bourgeoise...) sur les questions de sexualité, de liberté et d’amour (introduisant les thèmes du mariage, du divorce et de l’homosexualité). Ces bouts de réflexion basés sur des témoignages du quotidien sont agrémentés d’entretiens privés menés en compagnie d’hommes de lettre et de science de l’époque, dont le célèbre poète Alberto Moravia. Le documentaire se débarrasse d’un professionnalisme surimposant, y préférant la spontanéité et une légèreté dans les rapports. Si la technique est celle du documentaire objectif, les orientations philosophiques, morales ou politiques de Pasolini ne sont pas très loin. Il ne s’agit pas de « cinéma vérité » mais d’une fiction documentaire à partir de l’observation et de l’affrontement au réel. C’est sur une Italie en pleine mutation économique et sociale que Pasolini décide de porter ses interrogations, souvent formulées en termes de droits (« pour ou contre »). Crainte, confusion et espoirs mêlés se lisent sur les regards et dans le choix des mots pour décrire la manière de concevoir la montée du prétendu régime de «tolérance consommation ».

Carnet de notes pour une Orestie africaine (Appunti per un Orestiade africana) 1970
Scénario : Pier Paolo Pasolini Production : IDI Cinematografica (Rome)
Durée : 65 min

Il s’agit d’un des volets d’une suite en cinq épisodes de films à « esprit documentaire » tournés dans diverses régions du « tiers monde ». Pasolini y propose une lecture passionnée sur l’observation du monde (à travers ses expériences de luttes sociales, singulières pour la libération et la reconnaissance des droits humains) en offrant des clefs de compréhension par l’image et commentaire. La partie sur l’Afrique «note pour le Père Sauvage » constitue un documentaire mi objectif sur l’Afrique noire moderne, son profond renouveau combinant de manière originale traditions mythiques et rationalité... La mise en scène s’infiltre dans le documentaire avec le « personnage type » de l’africain moderne, comparé à Oreste d’Eschyle dans le monde athénien.


La nouvelle vague tchécoslovaque : désillusion idéologique et réalisme magnifié
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Par l’emploi de « métaphores du réel » le nouveau cinéma (« nouvelle vague ») tchécoslovaque des années 60’ défend un amour sans faille, sans trêve pour la libération des hommes piétinés par la sauvagerie des totalitarismes bureaucratiques et idéologiques modernes. Il s’agit d’un cinéma politiquement engagé du côté du peuple mais celui-ci jette un profond doute, voire assène de virulentes critiques à l’endroit du climat socio-politique stalinien de l’époque (représenté par les révolutionnaires de l’ancienne génération devenus tenants de l’ordre et de l’autorité). Ce cinéma correspond à une tendance post-révolutionnaire dénonçant l’injustice triomphante et l’hypocrisie scandaleuse qui prospèrent dans les glorieux empires idéologiques. La nouvelle vague tchèque offre un cinéma proche du réalisme populaire et séculaire tout en lui insufflant une dose d’autocritique (l’embourgeoisement des masses), une intention libertaire et une vitalité tragique confinant parfois à une insaisissable ou miraculeuse rédemption sur le fil de la destinée. Beaucoup d’œuvres ont été interdites, certaines ont succombé face aux atroces moyens de pression des régimes autocratiques successifs, d’autres resteront perdues à jamais.

L’épopée cinématographie et poétique tchèque de ces années de révolte a poursuivi sans interruption un véritable travail esthétique et matériel, positivement intempestif, inaugurant de nouvelles tendances stylistiques et façonnant de nouveaux standards. Elle représente un « temps de réflexion », une césure instauratrice de sens, à l’encontre du processus de « décervelage » conduit par les mascarades trompeuses et avilissantes de l’industrie hollywoodienne.

Idéalement deux tendances complémentaires dominent le renouveau du cinéma tchèque : i) La tendance réaliste (comparable au néo-réalisme italien et au « cinéma vérité ») avec des réalisateurs tels que Milos Forman, Ernest Menzel (…) ii) La tendance plus allégorique et symbolique (Evald Schorm, Jan Nemec, Pavel Juracek, Vera Chytilova…).

Réalisations majeures :
Les années critiques ( Juro Jakubisco, 1969)
La blague (Jaromil Jires, 1968)
Valérie au pays des merveilles (Jaromil Jires, 1970)
Un cas pour un bourreau débutant (Pavel Juracek, 1969)
L’oreille (Karel Kachyna, 1969)
Courage banal (Evald Schorm, 1964)
Les diamants de la nuit (Jan Nemec, 1964)
Possibilités du dialogue (Jan Svankmajer, 1983)



ILLUSTRATIONS

Intervista
01 / 02 / 03 / 04
L'accattone
01 / 02
La rage
01 / 02 / 03 / 04 / 05 / 06 / 07 / 08

PIER PAOLO PASOLINI : Filmographie sélective et commentée
La nouvelle vague tchécoslovaque : désillusion idéologique et réalisme magnifié